Applications linéaires
Jérôme Feret
DIENS (INRIA,ÉNS,CNRS)
9,13 mars 2017
1 Applications linéaires
1.1 Définitions
Définition 1.1 (Applications linéaires). Soit
et deux
-espaces vectoriels. Une
application linéaire de
dans est une
fonction
de dans
qui
vérifie les deux propriétés suivantes :
- (additivité) ,
on a : ;
- (homogénéité) ,
,
on a : .
L’ensemble des applications linéaires de
dans est
noté .
Définition 1.2 (Homomorphismes). Soit
un -espace
vectoriel. Une application linéaire de
dans
dans lui même est appelée un homomorphisme.
L’ensemble des homomorphismes de
est noté .
Définition 1.3 (Isomorphismes). Un isomorphisme est une application linéaire bijective.
L’ensemble des isomorphismes entre un espace vectoriel
et un autre
est noté .
Définition 1.4 (Automorphismes). Un automorphisme est un homomorphisme bijectif. L’ensemble des
automorphismes d’un espace linéaire
est noté .
Définition 1.5 (Forme linéaire). Une application linéaire d’un espace dans l’espace
est appelée une forme linéaire.
Exemple 1.1. Soient
et
deux -espaces
vectoriels. Alors la fonction
de
dans
qui associe à tout vecteur
le vecteur
est une application linéaire.
Preuve Soient
et deux
-espaces vectoriels.
Alors la fonction
de dans
qui associe à
tout vecteur
le vecteur .
-
est une fonction de
dans .
- Soient .
On a : ,
puis ,
et .
Donc .
- Soient
et .
On a : ,
puis ,
et .
Donc .
Exemple 1.2. Soit
un -espace
vectoriel. Alors la fonction
est un automorphisme de .
Preuve Soit
un -espace
vectoriel.
- La fonction
est une fonction de
dans .
- La fonction
est une bijection.
- Soit ,
,
on a : ;
or
et .
et ;
donc .
- Soit
et soit ,
on a : ;
or ;donc
.
Donc .
Exemple 1.3. La fonction
définie par :
est un automorphisme de
Exemple 1.4. La fonction
définie par :
|
est une forme linéaire de .
Exemple 1.5. La fonction
définie par :
|
est une application linéaire de l’espace des fonctions dérivables de
dans
muni de l’addition et du produit externe point à point, dans l’espace des fonctions de
dans
muni de
l’addition et du produit externe point à point.
Exemple 1.6. Soit
un intervalle de .
La fonction
de l’espace des fonctions de
dans
intégrables muni de l’addition et du produit externe point à point dans l’espace ,
et qui associe à toute fonction
intégrable, le réel ,
est une application linéaire.
Exemple 1.7. Toute fonction
de
dans ,
qui vérifie
est une forme linéaire.
Preuve
Propriété 1.1. Soient
et
deux -espaces
vectoriels et
une fonction de
dans .
Alors .
Preuve Soit
et deux
-espaces
vectoriels.
On a .
Puis .
Et par la définition 1.1.(2), .
Puis .
Donc .
Propriété 1.2. Soient
et
deux -espaces
vectoriels et
une fonction de
dans .
Soit ,
Alors .
Preuve Soient
et deux
-espaces
vectoriels et une
fonction de
dans .
Soit .
Puis, on a .
Or, comme et par
la propriété 1.1, .
D’autre part, par la définition 1.1.(1), on a : .
D’où :.
Donc, .
Propriété 1.3. Soient
et
deux -espaces
vectoriels et
une fonction de
dans .
Alors
est une application linéaire de
dans
si et seulement si, pour tout scalaire ,
tout couple de vecteurs ,
on a : .
Preuve Soient
et deux
-espaces
vectoriels. Soit
une fonction de
dans .
-
On suppose que
est une application linéaire.
Soit
et .
Par la définition 1.1.(1), on a : .
Par la définition 1.1.(2), on a : .
Puis, .
- On suppose
que
satisfait ,
pour tout
et .
- Soient
et
deux vecteurs de .
On a .
Puis, .
Puis par hypothèse, .
Or .
Puis, .
Donc, .
- Soit
un vecteur et soit
un scalaire.
On a : .
D’où, .
Puis, par hypothèse, .
Puis, par la propriété 1.1, on a .
Donc, .
Or par la définition ??.(??), .
Puis, .
Propriété 1.4. Soient
et
deux -espaces
vectoriels et
une application linéaire de
dans .
Alors,
est injective si et seulement si pour tout vecteur
tel que ,
on a : .
Preuve Soient
et deux
-espaces vectoriels
et une application
linéaire de
dans .
- ()
On suppose que
est injective.
Soit
tel que .
On sait, par la propriété 1.1, que : .
On a donc
et
et .
Puis comme
est injective, .
- ()
On suppose que pour tout
tel que ,
on a : .
Montrons que
est injective :
Soient
tels que .
On a : .
Puis, par la propriété 1.2, .
Donc, .
Puis, par la définition 1.1.(1), .
Donc par hypothèse, .
Puis .
Propriété 1.5. Soit
un -espace
vectoriel. Alors
est un groupe pour la composition.
Preuve Soit
un -espace
vectoriel.
Propriété 1.6. Soient
et
deux -espaces
vectoriels. Alors l’ensemble des applications linéaires de
dans ,
muni de la somme
point à point et du produit externe
point à point, est un espace vectoriel.
Preuve Soient
et deux
-espaces vectoriels.
Montrons que est un
sous-espace vectoriel de .
- Par l’exemple ??,
est un -espace
vectoriel.
- On a : .
- Par l’exemple 1.1, la fonction constante de
dans ,
qui à tout élément
associe
est une application linéaire de
dans .
- Soient .
est une
fonction de
dans .
De plus, pour
et , on
a :
|
- Soit
et ,
est une
fonction de
dans .
De plus, pour
et , on
a :
|
Donc est un sous-espace
vectoriel de . Puis, d’après
la propriété ??,
est un -espace
vectoriel.
1.2 Image des familles de vecteurs
Propriété 1.7. L’image d’une famille libre par une application linéaire injective est une famille libre.
Preuve Soient
et deux
-espaces vectoriels,
soit une application
linéaire injective entre
et , soient
un ensemble et
une famille libre
d’éléments de
indexée par .
Soit un
sous-ensemble fini de
et une famille de
scalaires indexée par
et tel que .
On a, par linéarité, .
Puis par la propriété 1.1, .
Puis par la définition ??, pour tout ,
.
Donc la famille
est libre.
Propriété 1.8. Une application linéaire entre deux -espaces
vectoriels
et
est injective si et seulement si l’image de toute famille libre (de )
est une famille libre (de ).
Preuve Soient
et deux
-espaces
vectoriels. Soit
une application linéaire.
- ()
On suppose que
est injective.
Soit
un ensemble et
une famille libre.
Alors par la propriété 1.7,
est une famille libre de .
- ()
On suppose que, pour tout ensemble
et toute famille libre
d’éléments de
indexée par ,
la famille
est libre.
Montrons que
est injective.
Soient
tels que .
Il faut montrer que .
Par l’absurde, on suppose que .
La famille
serait donc une famille libre.
Puis par hypothèse, la famille
serait une famille libre.
Puis, par la propriété ??,
(ce qui est absurde).
Donc .
Propriété 1.9. Si l’image d’une base par une application linéaire est libre, alors cette application
linéaire est injective.
Preuve
Propriété 1.10. L’image d’une famille génératrice par une application linéaire surjective est une
famille génératrice.
Preuve Soient
et deux
-espaces vectoriels,
soit une application
linéaire surjective entre
et , soient
un ensemble et
une famille
génératrice de
indexée par .
Soit .
Comme
est surjective, prenons
tel que .
Comme
est une famille génératrice de ,
il existe un sous-ensemble fini
et une famille
de scalaires indexée par ,
telle que .
Puis .
D’où .
Ainsi,
est une famille génératrice de .
Propriété 1.11. Soient
et deux
-espaces vectoriels
et une application
linéaire entre
et .
Alors les trois assertions suivantes sont équivalentes :
-
est surjective ;
- L’image de chaque famille génératrice de
est une famille génératrice de ;
- Il existe une famille génératrice de
dont l’image est une famille génératrice de .
Preuve Soient
et deux
-espaces vectoriels
et une application
linéaire entre
et .
- ()
D’après la propriété 1.10, si
est surjective, alors l’image de chaque famille génératrice de
est une famille génératrice de .
- ()
On suppose que l’image de chaque famille génératrice
est une famille génératrice de .
La famille
est une famille génératrice de ,
donc son image est une famille génératrice de .
- () On suppose qu’il existe
une famille génératrice
de indexée par un
ensemble , telle que la
famille soit une famille
génératrice de .
Montrons que
est surjective.
Soit ,
est une famille génératrice de .
Donc soit
un sous-ensemble fini de
et
une famille de scalaires indexée par
et tel que .
On a donc, par linéarité, .
Ainsi
est surjective.
Théorème 1.1. Soient
et deux
-espaces vectoriels
et une application
linéaire entre et
. On suppose, de plus, qu’il existe une base de
.
Alors les trois assertions suivantes sont équivalentes :
- ;
- L’image de chaque base de
est une base de ;
- Il existe une base de
dont l’image est une base de .
Preuve Soient
et deux
-espaces vectoriels
et une application
linéaire entre
et . On
suppose que
admet une base.
- ()
On suppose que
est bijective.
Soit
une base de
indexée par un ensemble .
La famille
est libre et
est injective. Donc par la propriété 1.7, la famille
est libre.
De plus, la famille
est génératrice et
est surjective. Donc la propriété 1.10, la famille
est génératrice.
Ainsi, la famille
est une base.
- ()
On suppose que l’image de chaque base de
par
est une base de .
Or on a supposé qu’il existait une base de .
Donc il existe une base de
dont l’image par
est une base de .
- () On suppose qu’il
existe une base de
indexée par un
ensemble , telle
que la famille
soit une base de .
Montrons que
est un isomorphisme.
- La famille
est génératrice de
et la famille
est génératrice de ,
donc par la propriété 1.11,
est une fonction surjective.
Montrons que
est injective.
- Soit , tel
que .
Comme
est une famille génératrice, on peut choisir
un sous-ensemble fini de
et
une famille de scalaires indexée par ,
tel que .
Puis .
Puis .
Or
est une famille libre, donc pour ,
.
Or ,
puis .
Donc
et
est injective.
Puis est un
isomorphisme entre
et .
Théorème 1.2. Soient
et
deux -espaces
vectoriels et .
Soit
un ensemble d’indices et
une famille génératrice de .
Soient
deux applications linéaires de
dans .
Si pour tout indice ,
,
alors .
Preuve Soient
et deux
-espaces vectoriels
et . Soit
un ensemble d’indices
et une famille
génératrice de . Soient
deux applications
linéaires de
dans telles que
pour tout indice ,
.
et
sont deux
fonctions de
dans .
De plus, pour ,
comme la famille
est génératrice,
il existe un sous-ensemble
et une famille de scalaires
tel que
:
;
puis
|
Ainsi .
Théorème 1.3. Soit
un
espace vectoriel de dimension ,
alors il existe un isomorphisme entre
et .
Preuve
1.3 Noyau, Image et dimension
Définition 1.6 (Noyau). Soient
et deux
-espaces vectoriels et
soit une application
linéaire entre
et .
On définit le noyau de ,
par :
|
Propriété 1.12. Soient
et
deux -espaces
vectoriels et soit
une application linéaire entre
et .
Alors
est un sous-espace vectoriel de .
Preuve
Définition 1.7 (Image). Soient
et deux
-espaces vectoriels et
soit une application
linéaire entre
et .
On définit l’image de ,
par :
Propriété 1.13. Soient
et
deux -espaces
vectoriels et soit
une application linéaire entre
et .
Alors
est un sous-espace vectoriel de .
Preuve
Théorème 1.4. Soient
et deux
-espaces vectoriels et
soit une application
linéaire entre
et . On
suppose que
est de dimension fini. Alors,
|
Preuve
Corollaire 1.1. Soient
et
deux -espaces
vectoriels. Si
ou
est de dimension fini et s’il existe un isomorphisme ,
alors
et
sont de dimensions finis et égales.
Preuve
Corollaire 1.2. Soient
et deux
-espaces vectoriels. On
suppose que est de
dimension fini. Soit une
application linéaire de
dans .
Les trois assertions suivantes sont équivalents :
-
est un isomorphisme ;
-
est injectif et ;
-
est surjectif et .
Preuve