Familles de vecteurs

Jérôme Feret
DIENS (INRIA,ÉNS,CNRS)

9 Février – 4 Mars 2017

1 Familles libres

Définition 1.1. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Une famille (ui)iI d’éléments de E est dite libre si et seulement si pour tout ensemble fini J I et toute famille de scalaire (λj)jJ, on a :

jJλj uj = 0E j J,λj = 0.

Définition 1.2. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel et f une famille d’éléments de E. On dit que f est liée si et seulement si elle n’est pas libre.

Remarque 1.1. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble fini. Une famille (ui)iI EI d’éléments de E est libre si et seulement si pour tout toute famille de scalaires (λi)iI, on a :

iIλi uI = 0E i I,λj = 0.

Propriété 1.1. Si (E,+,) est un 𝕂-espace vectoriel, alors les familles libres ne contiennent pas l’élément 0E.

Exemple 1.1. Soit n un entier naturel. Soit (𝕂n,+.,). l’espace vectoriel des n-uplets de scalaires, muni de l’addition et la multiplication coordonnée par coordonnée. La famille (δk)1kn de vecteurs telle que δk a toutes ses coordonnées égales à 0, sauf la k-ième coordonnée qui vaut 1 est libre.

Propriété 1.2. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille libre d’éléments de E indexée par I. Soit J un sous ensemble de I. Alors, la famille (uj)jJ est libre.

Propriété 1.3. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit σ une bijection de I dans I. Soit (vi)iI EI la famille d’éléments de E définie par :

vi=Δuσ(i).

Alors, la famille (ui)iI est libre si et seulement si la famille (vi)iI est libre.

Propriété 1.4. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit λ 𝕂 tel que λ0 et i0 I un élément de I. Soit (vi)i EI la famille d’éléments de E définie par :

vi0=Δλ ui0 vi=Δui pour i I {i0}.

Alors, la famille (ui)iI est libre si et seulement si la famille (vi)iI est libre.

Propriété 1.5. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit λ 𝕂. Soient i0 I et j0 I deux éléments de I tels que i0j0. Soit (vi)iI EI la famille d’éléments de E définie par :

vi0=Δui0 + λ uj0 vi=Δui pour i I {i0}

Alors, la famille (ui)iI est libre si et seulement si la famille (vi)iI est libre.

Propriété 1.6. Soient m et n deux entiers positifs dans . Soit (ui)1im 𝕂n m une famille de m vecteurs du 𝕂-espace vectoriel (𝕂n,+.,.). Si pour tout i entre 1 et m, il existe une coordonnée ji telle que pour tout indice i entre 1 et m, la ji-ième coordonnée de ui soit égale à 0 si et seulement si ii, alors la famille (ui)1im est libre.

Algorithme 1.1. Soient m et n deux entiers positifs dans . Soit (ui)1in (𝕂n)m une famille de m vecteurs de 𝕂n. On note ui,j la j-ième coordonnée du i-ième vecteur de la famille (ui)1im. L’algorithme suivant permet de décider si (ui)1im est libre, ou liée.
Prendre p 0.

  1. si p = m alors la famille est libre.
  2. si p < m et s’il pour tout q entre 1 et n, up+1,q = 0, alors la famille est liée.
  3. sinon, prendre q le plus petit entier tel que up+1,q0.
  4. Multiplier le vecteur up+1 par l’inverse de up+1,q.
  5. Soustraire à chaque vecteur up pour pp le vecteur up+1 multiplié par up,q.
  6. Prendre p p + 1.
  7. Retourner à l’étape 1.

2 Familles génératrices

Définition 2.1. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Une famille (ui)iI d’éléments de E est dite génératrice de (E,+,) si et seulement si pour tout élément u E, il existe un sous-ensemble fini J I et une famille de scalaire (λj)jJ, tels que :

jJλj uj = u.

Propriété 2.1. Soit n un entier naturel. Soit I un ensemble et (ui)iI une famille d’éléments de 𝕂n telle qu’il existe un indice i0 I tel que pour tout indice i I, la coordonnée i0 de ui soit égale à 0. Alors la famille (ui)iI n’est pas génératrice.

Propriété 2.2. Soit m,n deux entiers naturels. Soit (ui)1im une famille de m éléments de 𝕂n. On suppose qu’il existe un indice i0 tel que 1 i0 min(m 1,n), et tel que pour tout i entre 1 et i0, la j-ième coordonnée du vecteur ui vaut 1 si i = j et 0 sinon, et tel que pour tout i > i0 la i0 + 1-ième coordonnée du vecteur ui vaut 0. Alors la famille (ui)1im n’est pas génératrice.

Exemple 2.1. Soit n un entier naturel. Soit (𝕂n,+.,.). l’espace vectoriel des n-uplets de scalaires, muni de l’addition et la multiplication coordonnée par coordonnée. La famille (δk)1kn de vecteurs telle que δk a toutes ses coordonnées égales à 0, sauf la k-ième coordonnée qui vaut 1 est génératrice.

Propriété 2.3. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit J un sous ensemble de I. Alors, si la famille (uj)jJ est génératrice de E, alors la famille (ui)iI est génératrice de E.

Propriété 2.4. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit σ une bijection de I dans I. Soit (vi)i EI la famille d’éléments de E définie par :

vi=Δuσ(i)

Alors, la famille (ui)iI est génératrice si et seulement si la famille (vi)iI est génératrice.

Propriété 2.5. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit λ 𝕂 tel que λ0 et i0 I un élément de I. Soit (vi)i EI la famille d’éléments de E définie par :

vi0=Δλ ui0 vi=Δui pour i I {i0}

Alors, la famille (ui)iI est génératrice si et seulement si la famille (vi)iI est génératrice.

Propriété 2.6. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit λ 𝕂. Soient i0 I et j0 I deux éléments de I tels que i0j0. Soit (vi)i EI la famille d’éléments de E définie par :

vi0 = ui0 + λ uj0 vi = ui pour i I {i0}

Alors, la famille (ui)iI est génératrice si et seulement si la famille (vi)iI est génératrice.

Algorithme 2.1. Soient m et n deux entiers positifs dans . Soit (ui)1in (𝕂n)m une famille de m vecteurs de 𝕂n. On note ui,j la j-ième coordonnée du i-ième vecteur de la famille (ui)1im. L’algorithme suivant permet de décider si (ui)1im est génératrice, ou non.
Prendre p 0.

  1. si p = n alors la famille est génératrice.
  2. si p < n et si pour tout k tel que p < k m, on a : uk,p+1 = 0 alors la famille n’est pas génératrice.
  3. sinon, prendre k le plus petit entier strictement supérieur à p tel que uk,p+10.
  4. Multiplier le vecteur uk par l’inverse de uk,p+1.
  5. Soustraire à chaque vecteur uk pour kk le vecteur uk multiplié par uk,p+1.
  6. Permuter le vecteur up+1 et uk.
  7. Prendre p p + 1.
  8. Retourner à l’étape 1.

3 Bases et dimensions

Définition 3.1. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. On appelle base de E toute famille d’éléments de E qui est à la fois libre et génératrice de E.

Théorème 3.1. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble et (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I, tel que (ui)iI soit une base de E.
Alors pour tout vecteur u E, il existe un unique sous-ensemble J I et une unique famille (λj)jJ de scalaires non nuls tel que :

u = jJλj uj.

Ainsi tout vecteur admet une décomposition unique dans une base.

Exemple 3.1. Soit n un entier naturel. Soit (δi)1in (𝕂n)n la famille de n vecteurs de 𝕂n telle que la j-ième coordonnée du i-ième vecteur soit égale à 0 si ij et à 1 sinon. Alors (δi)1in (𝕂n)n est une base de (𝕂n,+.,.) (on dit que c’est la base canonique de 𝕂n).

Propriété 3.1. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit σ une bijection de I dans I. Soit (vi)i EI la famille d’éléments de E définie par :

vi = uσ(i)

Alors, la famille (ui)iI est une base de E si et seulement si la famille (vi)iI est une base de E.

Propriété 3.2. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit λ 𝕂 tel que λ0 et i0 I un élément de I. Soit (vi)i EI la famille d’éléments de E définie par :

vi0 = λ ui0 vi = ui pour i I {i0}

Alors, la famille (ui)iI est une base de E si et seulement si la famille (vi)iI est une base de E.

Propriété 3.3. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit I un ensemble. Si (ui)iI EI une famille d’éléments de E indexée par I. Soit λ 𝕂. Soient i0 I et j0 I deux éléments de I tels que i0j0. Soit (vi)i EI la famille d’éléments de E définie par :

vi0 = ui0 + λ uj0 vi = ui pour i I {i0}

Alors, la famille (ui)iI est une base si et seulement si la famille (vi)iI est une base.

Théorème 3.2. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit J un ensemble fini. Soit I un sous-ensemble de J. Soit (uj)jJ une famille d’élément de E, tel que la famille (ui)iI soit une famille libre et la famille (uj)jJ soit une famille génératrice de E. Alors il existe un ensemble K tel que I K J et la famille (uk)kK est une base de E.

Théorème 3.3. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel qui admet une famille génératrice finie. Alors toutes les bases de (E,+,) ont le même cardinal.

Définition 3.2. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel qui admet une famille génératrice finie. On dit que (E,+,) est de dimension finie et on appelle dimension de (E,+,) le cardinal des bases de E.

Propriété 3.4. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel de dimension fini égale à n. Alors toute famille libre de n élément est une base.

Propriété 3.5. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel de dimension fini égale à n. Alors toute famille génératrice de n élément est une base.

Propriété 3.6. Soit (E,+,) un 𝕂-espace vectoriel. Soit F un sous-espace vectoriels de (E,+,). Si E et F sont de dimensions finies et égales. Alors E = F.

Algorithme 3.1. Soient n un entier positif dans . Soit (ui)1in (𝕂n)n une famille de n vecteurs de 𝕂n. On note ui,j la j-ième coordonnée du i-ième vecteur de la famille (ui)1in. L’algorithme suivant permet de décider si (ui)1in est libre, ou liée.
Prendre p 0.

  1. si p = n alors la famille est une base.
  2. si p < n et si pour tout k tel que p < k n, on ait uk,p+1 = 0 alors la famille n’est pas une base.
  3. sinon, prendre k le plus petit entier strictement supérieur à p tel que uk,p+10.
  4. Multiplier le vecteur uk par l’inverse de uk,p+1.
  5. Soustraire à chaque vecteur uk pour kk le vecteur uk multiplié par uk,p+1.
  6. Permuter le vecteur up+1 et uk.
  7. Prendre p p + 1.
  8. Retourner à l’étape 1.